Clara et Elke, expertes en alimentation infantile : « travailler dur, dépenser peu et viser haut »

D’ex-collègues devenues co-entrepreneures

Retour en 2017. Elke et Clara se rencontrent chez un grand acteur des RH, pour lequel elles travaillent toutes les deux. Elles deviennent rapidement de bonnes amies. Une amitié qui ne fait que se renforcer après la naissance de leurs filles, Eléonore et Léonelle, en 2019.

« Nous parlions beaucoup de l’alimentation de nos enfants. Une banale tartine ? Non merci ! C’est ainsi que nous nous sommes mises à préparer ensemble un petit-déjeuner entièrement fait maison, à base d’avoine et de fruits lyophilisés. Nous étions tellement enthousiastes qu’en 2021, nous avons mis le pied à l’étrier en tant qu’indépendantes complémentaires. Qu’est-ce que les autres allaient en penser ? »

« Lors du prélancement de Billiebubs, notre stock complet a immédiatement été écoulé à trois reprises sur la boutique en ligne. Nous avons alors su que cela pouvait le faire. Ensuite, tout s’est passé assez vite. D’abord un 4/5e et démissionner après six mois pour créer une SRL. Entre-temps, l’un de nos clients nous a demandé s’il pouvait distribuer notre produit dans sa pharmacie. Voilà, notre business model était né. À titre d’illustration, 90 % des ventes et de la distribution se font aujourd’hui par le biais des pharmacies. »

Aucun compromis sur la vision

« Après le succès initial, nous avons immédiatement dû prendre des décisions difficiles. Allions-nous produire en Belgique ? Cela signifiait que l’Agence fédérale pour la Sécurité de la Chaîne alimentaire – l’AFSCA – devrait nous délivrer un agrément de fabricant d’aliments pour bébés. Un statut dont personne ne disposait encore dans notre pays. Il est en effet « plus facile », au niveau de la réglementation, de produire ailleurs. Mais nous ne voulions absolument pas faire de compromis sur les normes de qualité. Au contraire, nous considérions cela comme le plus grand atout de Billiebubs. »

« Le trajet avec l’AFSCA a été un grand saut dans l’inconnu. Mais parfois, il faut simplement faire confiance à sa bonne étoile. Et il faut admettre qu’au cours du trajet d’agrément, nous nous sommes rapprochés. Nous avons ainsi élaboré avec l’AFSCA un plan d’implantation pour notre site de production et ils viennent encore tous les mois pour un contrôle de qualité. Une belle collaboration. »

Bien entouré•e, c’est à moitié gagné

« Outre le soutien de l’AFSCA, nous cherchons également d’autres points de repère. Sur le plan commercial, nous pouvons compter sur un business angel expérimenté, que nous consultons chaque trimestre. Nous bénéficions aussi d’une ligne d’assistance juridique et mettons en place des partenariats pour relever des défis spécifiques. Pour les emballages, par exemple. Quels matériaux peut-on utiliser pour l’alimentation infantile ? Que faut-il mentionner et comment ? Le bureau de conseil indépendant AMNorman trouve les réponses à de telles questions pour nous. »

« En tant qu’entrepreneures, nous sommes complémentaires. L’une maîtrise mieux le volet administratif, l’autre les aspects marketing et créativité. Et nous aimons vendre ensemble. Mais nous n’hésitons pas à demander conseil dans tous ces domaines et sommes ouvertes aux idées neuves. Comme le dit le proverbe : seul, on va plus vite, ensemble on va plus loin. »

Osez dire « non »

« Même si nous collaborons parfois avec des parties externes, nous avons une règle d’or : dépenser uniquement de l’argent pour ce dont notre entreprise a réellement besoin à un moment donné et que nous ne pouvons pas faire vous-même. Un exemple : pour nos emballages, nous bénéficions de conseils sur la réglementation, mais nous nous chargeons nous-mêmes de la conception graphique. Au début, il n’est pas nécessaire de payer un photographe ou une agence de design pour proposer d’emblée un emballage qui va cartonner. Nos sachets munis d’autocollants font l’affaire. Plus tard, on pourra songer à les améliorer. Nous n’avons pas non plus besoin de gadgets branchés ou autres. »

« De nombreuses personnes voient venir la success story et viennent se présenter. Il faut oser simplement dire « non, pas maintenant ». Tout le monde peut se rendre à la banque, emprunter 200 000 euros, payer ses partenaires et ensuite se retrouver en difficulté. Faire des choix, économiser autant que possible et développer progressivement ses propres forces, c’est le secret des entrepreneur•es qui veulent le rester. Par exemple, il arrive que nous ne nous versions pas de salaire parce que nous avons besoin d’argent pour le développement de produits. »

Tout a un prix, mais quel est le vôtre ?

« Nous économisons entre autres sur la comptabilité. Les impôts, les déclarations trimestrielles… tout cela est confié à l’entreprise de notre business angel. Cela nous permet d’économiser pas mal d’argent. Mais ce n’est pas pour autant que nous ne nous soucions pas de l’aspect financier. Au contraire, au début, nous avons effectué nos propres recherches pour fixer nos prix. »

« Alors que nous travaillions encore pour notre ex-employeur, nous avons envoyé une enquête à tous nos collègues. Trouvez-vous que notre produit est une bonne idée et que seriez-vous prêt•e à payer ? Ces collègues ont ensuite diffusé l’enquête parmi leur réseau et nous avons ainsi eu des milliers de participants. En effet, c’est surtout l’avis sincère de personnes que vous ne connaissez pas qui compte. Encore un exemple d’éléments que vous pouvez sous-traiter, mais que vous pouvez tout aussi bien faire vous-même. Cela nous a permis d’obtenir une idée claire du marché potentiel et de ce que les consommateurs sont disposés à payer pour Billiebubs. Nous avons ensuite combiné ces résultats à une stratégie de tarification basée sur les coûts, afin de déterminer la marge bénéficiaire. »

« Pour Groats, notre deuxième marque commercialisée depuis mars 2023, nous avons adopté une autre stratégie de prix. Nous avons examiné d’autres marques dans les rayons des magasins et avons choisi un positionnement en fonction de celles-ci. Avec ce prix indicatif, nous avons ensuite estimé combien de fruits nous pouvions utiliser pour conserver une marge suffisante. Chaque stratégie repose sur des arguments et nécessite donc aussi des conseils. »

Nestlé, nous voici

« Nous envisageons l’avenir avec un regard plein d’espoir. Actuellement, nous vendons environ 2,5 petits-déjeuners par minute. Il y a quatre ans, nous osions à peine y croire. Notre dur labeur – c’est le moins que l’on puisse dire – est récompensé. Au cours des prochaines années, nous allons continuer à développer nos deux marques et peut-être ajouter de nouvelles saveurs. »

« Nous envisageons aussi d’exporter nos produits. Via notre boutique en ligne, nous effectuons déjà des exportations limitées, mais un acteur de la grande distribution néerlandais manifeste à présent son intérêt. Il veut lancer nos produits l’an prochain. Pour accélérer notre croissance, nous participons à des salons internationaux, comme le SIAL à Paris. Cette année, nous y participerons pour la deuxième fois avec le soutien de Flanders Investment & Trade (FIT). Pour les entrepreneur•e•s économes tels que nous, l’offre de FIT est une bénédiction. »

« L’objectif : marcher sur les platebandes des grands acteurs. Quand on voit ce que contiennent aujourd’hui les rayons pour bébés et bambins, cette ambition est légitime. C’est d’ailleurs notre principal conseil pour les starters : ne vous souciez pas de la réaction de votre entourage quand vous développez une idée. En d’autres termes, nul ne vous reprochera de vouloir réaliser vos rêves. Et si vous réussissez, on vous admirera. N’hésitez donc pas à avoir de l’ambition et la soif d’entreprendre. »